Peyrat-la-Nonière et ses origines

D’après les recherches de Jean Pierre Le Gall sur les origines de la commune et son histoire, publiées dans le bulletin municipal de 1994.

Article mis en ligne le 11 avril 2017
dernière modification le 30 novembre 2017

par Claire Gilleron

D’après les recherches de Jean Pierre Le Gall sur les origines de la commune et son histoire, publiées dans le bulletin municipal de 1994.

Raconte-moi ta commune.

En 636 notre Peyrat se nommait Patriacus, et il est écrit quelque part : « Patriacus, villa sita super fluvium Wulsie ». Peut-on traduire : villa (ou village) située sur la rivière Voueize ? Cinq cents ans après on disait Pairiaco, puis Pairasés, Pairac, etc. C’est en 1434 qu’apparaît Peyraci l’Anonière et au XVIème siècle la forme actuelle ; mais l’orthographe de la Nonière a oscillé entre six à huit écritures différentes, par exemple : la Nonnier, le Nouger, Lanosnier, Ladnonnyer…. Quant à l’origine et à l’explication du vocable il faut bien convenir qu’à part Saint-Blaise et Saint-Vincent, saints-patrons de la paroisse, on ne sait à quel saint se vouer !

Où s’est établi le 1er foyer ?

On parle bien d’un silo préhistorique dans le voisinage du Petit-Combord, mais… Ce qui est certain c’est que des hommes ont vécu aux temps gallo-romains à La Chassagne, Chaux, Épys au bois de la Vaureille, sur le plateau de Saint-Marc, à Arcy, au Chiroux… La liste n’est pas exhaustive. En témoignent, arrachés par la charrue ou la pioche des chercheurs, des débris de tuiles, des morceaux de poteries et d’amphores, des outils et objets divers, et surtout des urnes funéraires en granit dont les cavités, protégées par des couvercles à bourrelet, contenaient, dans des bols en verre grossier des ossements calcinées mêlés à des cheveux. Les Peyratois de bonne souche sont peut-être des descendants directs d’un beau centurion et d’une aimable gauloise.

Peyrat au Moyen-Age

Plus concrets et monumentaux sont les vestiges du Moyen-Age : abbaye de Bonlieu, château du Chiroux, du Marzeau, de la Vaureille.

C’est en 1119 qu’Amélius de Chambon fit à Géraud de Salès pour qu’il y fonde un monastère, don du ténement de Mazerolles «  sis dans un vallon où, entre deux rives escarpées, coule la Tarde ». Consacré en 1141 le premier sanctuaire prit le nom de « bonus locus  », Bonlieu. Ainsi naquit la prestigieuse Abbaye. Pillée et ravagée lors de la guerre de Cent-Ans et des guerres de religion la vaste église consacrée en 1232 tomba en ruines après la Révolution. La puissante tour carrée érigée au début du XVème siècle n’avait pas réussi à la protéger.

Est-il vrai que les cloches dorment au plus profond de la rivière, près des cascades aménagées par les moines qui avaient pris soin également de façonner sur un autre bras du cours d’eau une pente douce pour la remontée des saumons ? Furent-ils, cucistereiens, à l’origine de la création d’étangs à Épys, La Vaureille, Chaux, La Mazère, pour l’élevage du poisson nécessaire en grande quantités en périodes de Carême ? Ils cultivaient en tout cas la vigne à Lichiac, les Riboulles, les Boueix, la Vaureille. Saint Vincent, patron des vignerons, y était sans doute pour quelque chose. Le coin des cascades est bien connue et le paysage alentour peut encore favoriser le recueillement et la méditation.

Peyrat et ses châteaux

Au XIIème siècle date aussi la haute tour quadrangulaire à échauguettes du Chiroux, puissante construction érigée vers 1150. Près d’elle s’élève le colombier dont la toiture a été refaite par les propriétaires, soutenus par l’association « Chefs d’œuvre en péril ». Peut-être un jour pourra-t-on réparer la « roue » qui permettait de visiter les 1166 boulins, petites logettes de granit à raison d’une par couple de pigeons et dont le nombre était fonction de l’étendue des terres de la propriété. Cette construction est l’une des trois ou quatre restant en Creuse.

Le Mazeau et la Vaureille datent du XVIème siècle. Construction moitié civile, moitié militaire, modifiée en 1620, Le Mazeau était peut-être une dépendance de Bonlieu. D’importantes modifications ont été réalisées à la Vaureille au début du siècle dernier.
Mineurs mais non négligeables deux éléments méritent notre attention : une pierre sculptée parmi d’autres seulement taillées dans l’ouche de la Chassagne, bloc de granit de plus d’un mètre cube, destiné peut-être à retenir le chapiteau d’un important pilier, et une curieuse galerie souterraine, revenant sur elle-même, creusée dans le tuf dur à La Mazère : Salle de réunions ? Entrepôt ? Cachette pour échapper aux brigands des grandes compagnies pendant la guerre de Cent-Ans ? Refuge contre la maladie durant la terrible épidémie de peste noire au XIVème siècle ? Qui sait ?

Le lion et le bol

On ne saurait oublier sur la place qui porte son nom, le Lion qui attend le jour où on le remettra dans son attitude initiale : il doit bien être fatigué de voir ses semblables de Toulx-Sainte-Croix, Jouillat, Lupersat et autres lieux, restés assis, nonchalamment, alors qu’il est debout. Près de lui le très fameux et très remarquable « bol de Gargantua ». On dit que, revenant de Bonlieu après forte ripaille et forte beuverie et atteint de somnolence au pas balancé de sa grande jument, le bon géant laissa tomber sa coupe là où elle est encore. D’autres pensent qu’il n’en fut pas tout à fait ainsi : il revenait bien de Bonlieu ; il avait certes bu et rebu ; mais il avait encore soif en arrivant au Pont-Barbot. Il emplit donc sa coupe dans la Voueize et avala d’un trait. Mais quelque chose lui resta en travers de la « corniaule » et il faillit s’étrangler. Il cracha et rejeta… l’âne du meunier du Mazeau, noyé dans la rivière ! De dégoût et de colère, le géant lança son écuelle avec une telle force et donna un tel coup de pied dans le derrière de son chien que tous deux tombèrent sur la place de Peyrat. Ils y sont encore, mais le chien a été changé en lion !

Si vous aimez les récits du passé, il est quelqu’un qui saura vous dire pourquoi, la nuit du 24 juin, on entend dans le bois de la Vaureille la cognée du bûcheron pendant les douze coups de minuit. Menuisier de son état quand il était sur terre et que sévissait la grande peste noire il avait refusé un cercueil à une pauvrette. Il doit maintenant chaque année à la date fixée et jusqu’à la fin des siècles, abattre un arbre dans le bois pour avoir manqué, de son vivant, au devoir sacré de charité.

On nous parlera aussi de « la fount de la fade » ( la fontaine de la fée). Elle est au bas du coteau du Puy du Moulin. Ce n’est qu’une petite « sourcette » mais filtrée dans le granit, l’eau en est si limpide, si cristalline, si pure que si en boirait une gorgée chaque matin y gagnerait la jeunesse éternelle.

Légendes, légendes ! Vous nous êtes bien nécessaires. Un poète a dit : «  Les pays sans légendes sont condamnés à mourir de froid ! »

La réalité est si dure ! Peyrat, il y a cent ans, comptait 1630 habitants. Il n’y en a plus que 500 à l’aube du 21e siècle. Un village de 63 personnes n’en a plus que 2. On se rencontre aux enterrements et les berceaux sont immobiles. La Tardes et la Voueize couleront-elles demain dans des vallons sans âmes ? Faut-il nous résigner ? Jean Favard, Peyratois illustre ne nous y invitait-il pas déjà quand, évoquant ce pays creusois où il fait pourtant si bon vivre, il écrivait : «  Il a modelé des hommes qui font leur tâche sans histoire, qui savent que s’effaceront les traces de leurs pas. »